Notes : | relevé par Sébastien Pissard "Le trois de juillet le Seigneur fit entendre sa voix dans ma paroisse et dans plusieurs autres circum voisines de Civray. Vers les cinq heures du soir il ordonna au vent, à l’eau, au feu, au tonnerre, de se mêler et confondre ensemble pour former un tourbillon horrible destructeur de la plus précieuse portion de nos arbres, tels que les châtaigniers et noyers, mon pinceau n’est pas assez fort pour en tracer le tableau ; je frémis d’y penser, j’appelle à moi dans ce moment toutes mes pensées, mes sentiments et tout cela bouillonne dans ma tête, il me semble jusque sur le papier j’éprouve en même temps que malgré l’effervescence de mes efforts toute l’énergie de l’expression ne peut se proportionner à ce que je voudrais exprimer. Figurez-vous donc une obscurité effrayante que les plus vifs éclairs n’interrompent que pour exciter dans le fond de l’âme un saississement qui recommence à tout instant on ne distingue point dans l’instant lequel des éléments dont la toute puissante main de Dieu a rompu l’équilibre fait le plus de fracas l’éclat du tonnerre intercepté ne le propage point jusqu’à l’oreille, mais il n’en faut pas douter il est dans cette affreuse discordance la plus forte voix. La terre comme ébranlée ne peut retenir les arbres, les uns tombent en entier couvrant un terrain considérable ensemencé, d’autres perdent leurs branches que le tourbillon disperse au loin et de tous côtés. Le fracas de leur chute n’est point entendu un moindre bruit est absorbé par le plus grand, Dieu qui nous ménage en nous frappant semble cacher les convulsions de la nature pour ne pas tant effrayer ceux qui surpris par l’orage dans les chemins, se jettent dans des fosses sous les haies pour attendre pendant une heure et demie quel sera leur sort. Retiré dans mon église j’attendais aussi avec la frayeur d’un pilote qui tient à peine le gouvernail la fin de la tempête, et pour rentrer dans ma maison il m’eut fallu un bateau, la rivière domestique que la pluie avait formé ne s’écoula pas aussitôt que je l’aurais souhaité A peine puis-je joindre un lit qu’un hôte d’une chambre au-dessus avait garanti. Mais j’étais le moins à plaindre Tout le public gémissait non seulement sur le mal déjà fait mais encore sur le danger que la moisson semblait couvrir car les blés renversés paraissaient plus disposés à la pourriture qu’à la maturité et la continuité des pluies fortifiait cette appréhension, lorsqu’enfin le ciel tout à coup redevint serein, sécha la faucille du moissonneur, les prières publiques prescrites par un mandement de Monseigneur en date du 2 août fixèrent le temps au beau et la chaleur prépara tant soit peu le dommage qu’avait souffert le grain amassé dans l’eau. Je n’omettrai point la circonstance d’un fait arrivé dans ma maison, une planche de mon grenier chargée de cent livres de laine céda sous l’action de l’air, il était entré dans une chambre au-dessous par les vides des vitres que des carreaux qui manquaient avaient laissés, le premier entré ne pouvant rétrograder mais étant repoussé par le nouveau qui survenait sans cesse fit effort contre cette planche qui lui résista moins, la décloua, la fit sauter et s’échappa par les lucarnes du grenier, sans cette salutaire évasion qui sait si la maison d’ailleurs peu solide en eut été quitte pour un simple ébranlement, en supposant la résistance égale de toute part l’air eut sûrement fait quelque effort funeste comme il n’arriva que trop souvent dans les souterrains ou il peut à peine se faire une issue, c’est pourquoi les soupiraux par lesquels l’air s’échappe avec tout ce qui s’est allumé dans les entrailles de la terre, qu’on regarde comme les fléaux du pays oú ils se trouvent, dans les dessins de Dieu en sont le véritable salut. Conclusion un évènement de cette conséquence sera l’époque la plus remarquable de l’année mil sept cent soixante dix sept il doit nous pénétrer de reconnaissance de ce que Dieu en brisant les arbres s’est contenté d’avertir les habitants de la terre. J’ai l’honneur de certifier à Mr le procureur du roi que j’ai lu aux prônes dudit Champniers. Signé : Maignen, Curé de Champniers." Champniers - BMS - 1776-1789, v.16 et 17/110 Relevé par Sébastien Pissard GE86. La carte illustrant cet évènement extraordinaire a été établie par Alain Texier. |