Notes : | Je ne résiste pas à vous relater un extrait du Traité de la police générale de 1758, au sujet d’un remède contre la peste, intitulé : « Mémoire d’un remède contre la peste, approuvé par M.Dodart, premier médecin du roi » « Prenez un crapaud , & non d’eau ; les derniers sont fort verds & blancs, ils ont une raie qui prend de la tête en bas, ils ont les yeux comme blancs, & tout le corps disposé de manière que l’on y reconnoît l’impression de l’eau, ceux là ne valent rien. Les premiers sont ordinairement tachés de noir comme roux, les pieds & le ventre tirant sur cette même couleur ; ils ont les yeux fort rouges, & c’est en quoi on connoît les mâles, qui sont les seuls bons. Ceux-ci sont ordinairement plus gros, plus noirs, & ont les yeux plus grands & fort rouges. Il faut les prendre dans un tems sec, & dans les lieux les moins humides : ceux qui sont pris dans l’hyver, ou après de longues pluies, ne sont pas bons. On peut les prendre avec une pincette, & les mettre dans un panier, ou sac de toile, avec un peu d’herbe au fond, pour les conserver en vie. Mettez ce crapaud, ou deux, en vie dans un pot de terre neuf, verni ou non, & son couvercle fort juste ; couvrez-le bien, ensorte qu’il n’y ait point d’air, autrement vous ne réussiriez pas. Mettez sur la jointure du pot & du couvercle une bande de bon papier de quatre à cinq doigts de large, avec de bonne colle ;la meilleure c’est de la faire avec des blancs d’oufs bien battus, & après y mettre de la chaux vive en poudre bien broyée & un peu molle, pour bien fermer ; de chaque côté de cette bande de papier, en haut sur le couvercle, & en bas sur le pot, mettez encore une autre bande de bon papier, qui prenne les extrémités de la première, collée de même que la première. Votre pot ainsi fermé, ou mieux si vous pouvez, mettez-le d’abord dans le for ; si c’est aussi-tôt ou peu de tems après que le pain en aura été tiré, il suffit que le pot y demeure trois ou quatre heures ; si le four étoit trop ardemment échauffé, il ne faut pas mettre le pot dedans. Après que le pot aura resté ce tems dans le four, tirez-le, secouez-le, & si ce qui est dedans branle, c’est marque que les crapauds sont bien cuits ; mais s’il y avoit environ vingt ou vingt-quatre heures qu’on eut sorti le pain du four, il faudroit que le pot y restât douze ou treize heures : & pour lors quand bien même les crapauds ne branleroient pas, ils ne laisseroient pas d’être suffisamment cuits. Ouvrez le pot avec précaution, après vous être lavé les mains avec du vinaigre ou ayant des gants aux mains ; mettez à la bouche & devant le nez un mouchoir trempé dans du vinaigre. Observez d’ouvrir le pot pendant qu’il est chaud, à un endroit ou vous soyez au-dessus du vent, afin qu’il emporte les vapeurs qui sortiront du pot ; laissez-le un moment évaporer, parce qu’en ces vapeurs consiste tout le venin que le crapaud avoit ; & le pot & le crapaud étant froids, il faut tirer le crapaud avec une pincette ou avec les mains, & avec un coûteau bien ratisser le fond du pot , tout ce que la chaleur du feu aura fait sortir du corps du crapaud, & ensuite mettre le crapaud & la ratissure dans un mortier de bronze ou de marbre bien net, y ayant passé dedans une amande ou une goutte d’huile d’olive ; après pilez bien les crapauds, en observant de fermer bien le dessus du mortier avec un papier ou une peau, tant que vous les pilerez, pour ne pas humer les vapeurs qui en exhaleront. Après les avoir bien pilés, sortez la poudre, laissez-la sécher une ou deux heures à l’ombre, après l’avoir bien étendue sus du papier ou carton, d’oú elle ne puisse tirer aucune humidité ; si après cela elle est en peloton, passez-la encore dans le mortier, afin que les pelotons se désunissent, & après au tamis fin ; cela-fait, la poudre est très purifiée, mettez-la toute dans une bouteille de verre, pour vous en servir dans le besoin. Usage du remède. Lorsqu’on sera attaqué du mal, & que le bubon paroîtra, faire avaler au malade une prise de cette poudre, du poids d’une dragme, qu’on appelle à Paris un gros, quelquefois un peu plus, ou un peu moins, selon l’âge, le tempérament & les forces du malade. Elle doit se prendre dans un demi-verre de vin ou de bouillon, & observer qu’il y ait au moins une bonne heure & demie que le malade n’ait pris aucun aliment, & qu’après avoir pris le remède il demeure encore une autre bonne heure & demie sans rien prendre, pour faciliter le remède à mieux opérer. Ensuite, prenez encore autant de cette poudre, que vous joindrez à une petite boule de vieux-oing à peu prés de la grosseur de la poudre, que vous pêtrirez bien ensemble pour la lier& contenir en emplâtre, & dont vous ferez une emplâtre de la grandeur d’un louis d’or sur une petite peau, ou un peu plus grande, suivant la grandeur du bubon, à l’entour de cette emplâtre, & sur la même peau, vous ferez un petit rond de poix blanche, dite de Bourgogne, ce que vous appliquerez sur le bubon, qui crèvera dans vingt quatre heures, quelquefois plus tôt, quelquefois plus tard ; & s’il ne crève pas dans les vingt quatre heures, pour n’être pas assez sorti, il faut toutes les vingt quatre heures y mettre une nouvelle & pareille emplâtre , & à la deuxième & troisième emplâtre, le bubon crèvera. Il est bon d’observer, quand on tire l’emplâtre du bubon, de ne pas trop manier, parce que cette emplâtre attire à lui tout le venin du mal. Après que le bubon sera crevé, tirez l’emplâtre & essuyez la, après remettez-la, ou une autre pareille nouvelle, afin que l’écart tombe ; après quoi il faut laver ses mains, même avec un peu de vinaigre, si on veut, par précaution, à cause du venin que l’emplâtre fait sortir du bubon & du corps malade. Quand l’écart sera tombé, il faut mettre sur la plaie une emplâtre que l’on fait avec du basilicon, que l’on trouve chez les apothicaires, & qu’on mêle avec des jaunes d’oufs frais, qui achèvera de guérir le malade, & empêchera toute crête. »
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